La création des réserves indiennes, qui découle de la dépossession, redessine un nouvel espace autochtone, fait de fragments des terres que les Amérindiens avaient longtemps été les seuls à occuper et à utiliser. Par ce troisième axe de recherche, nous entendons étudier la constitution de ce nouvel espace, pour dégager : a) le cadre idéologique dans lequel a germé et a évolué l’idée de réserver des espaces clos et restreints pour les Autochtones ; b) la formation concrète de ces nouveaux lieux et le rôle respectif des différents acteurs engagés dans ce processus (qu’il s’agisse de représentants du pouvoir colonial ou des nations autochtones).
La mise en œuvre concrète de la politique des réserves, surtout au XIXe siècle, soulève plusieurs questions que nous voulons analyser à la lumière des objectifs des autorités coloniales, mais aussi des demandes adressées par les nations amérindiennes. Dans quelle mesure, par exemple, les emplacements choisis pour les nouvelles réserves correspondent-ils aux requêtes des nations autochtones ? Les choix ne seraient-ils pas plutôt fonction d’autres impératifs (volonté de libérer certaines zones pour l’industrie ou la colonisation ; volonté d’isoler ou d’intégrer les Amérindiens…) ? On sait qu’il existait de nombreux débats dans les cercles administratifs concernant l’emplacement idéal de ces réserves. Dans l’optique des autorités coloniales du XIXe siècle, l’isolement constituait apparemment le meilleur moyen pour protéger les Autochtones contre les manœuvres frauduleuses d’individus peu scrupuleux. Par contre, cet isolement nuisait à l’objectif d’intégration, à la base de la nouvelle politique indienne des Britanniques, en maintenant les Amérindiens en marge de la société coloniale. Comment ces deux objectifs furent-ils conciliés lors de la création des réserves au xixe siècle ?
Ce troisième axe, comme les deux autres, incite à des rapprochements et à des comparaisons avec la politique suivie dans d’autres régions de l’ancien empire britannique, comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ou encore avec les États-Unis, où l’on trouve des modèles similaires.